La bataille de Chramne contre Clotaire Ier - document 3

Histoire des Francs, par Grégoire de Tours (538-594)

édition établie par François Guizot, 1823

extrait du livre quatrième, p 173 et suivantes

On trouve le texte complet ici : http://remacle.org/bloodwolf/historiens/gregoire/francs4.htm

 

Le roi Childebert tomba malade, et, après avoir long-temps demeuré au lit dans la ville de Paris, il mourut (1), et fut enterré dans l’église de Saint-Vincent qu’il avait lui-même bâtie. Le roi Clotaire s’empara de son royaume et de ses trésors, et envoya en exil Ultrogothe et ses deux filles. Chramne se rendit aussi auprès de son père ; mais ensuite il lui manqua de foi, et voyant qu’il ne pouvait manquer d’en être puni, il se rendit en Bretagne. Là, il se cacha, avec sa femme et ses enfants, chez Chonobre, comte de Bretagne. Wiliachaire, son beau-père, s’enfuit dans l’église Saint-Martin; et alors, en punition des péchés du peuple et des moqueries qu’il faisait de cette sainte basilique, elle fut brûlée par Wiliachaire et sa femme; ce que nous ne pouvons raconter ici sans de profonds soupirs. La ville de Tours avait déjà été consumée quelques années auparavant, et toutes ses églises étaient demeurées dévastées. Par l’ordre de Clotaire, la basilique du bienheureux saint Martin fut recouverte en étain, et rétablie dans tout son ancien éclat. Il parut alors deux armées de sauterelles qui, passant, dit-on, par l’Auvergne et le Limousin, arrivèrent dans la plaine de Romagnac, et s’y étant livré un grand combat, s’acharnèrent les unes contre les autres. Le roi Clotaire, irrité de colère contre Chramne, marcha en Bretagne avec une armée, et Chramne ne craignit pas de marcher, de son côté, contre son père. Tandis que les deux armées étaient mêlées sur le champ de bataille, et Chramne avec les Bretons, commandant les troupes contre son père, la nuit arriva, et fit cesser le combat. Cette même nuit, Chonobre, comte des Bretons, dit à Chramne : "Sortir du camp contre ton père, c’est, selon moi, une chose qui ne t’est pas permise; laisse-moi tomber cette nuit sur lui, et le défaire avec toute son armée." Chramne, aveuglé, je pense, par la puissance divine, ne le permit pas, et, le matin arrivé, les deux armées se mirent en mouvement, et s’avancèrent l’une contre l’autre. Le roi Clotaire allait, comme un nouveau David, prêt à combattre contre son fils Absalon, pleurant et disant : "Jette les yeux sur nous, ô Dieu, du haut du ciel, et juge ma cause, car je souffre injustement de la part de mon fils; regarde et juge avec justice, et prononce ici l’arrêt que tu prononças autrefois entre Absalon et son père David." Les deux armées en étant donc venues aux mains, le comte des Bretons tourna le dos, et fut tué. Après quoi, Chramne commença à fuir vers les vaisseaux qu’il avait préparés sur la mer; mais, tandis qu’il s’occupait à sauver sa femme et ses filles, il fut atteint par l’armée de son père, pris et lié; et lorsqu’on eut annoncé la chose à Clotaire, il ordonna qu’il fût brûlé avec sa femme et ses filles : on les enferma donc dans la cabane d’un pauvre homme, où Chramne, étendu sur un banc, fut étranglé avec un mouchoir, et ensuite on mit le feu à la cabane, et il périt avec sa femme et ses filles.

 

(1) en 558.

 

Chom e hremb. Né déhemb ket mui.
 
 
 
 

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