Chom e hremb. Né déhemb ket mui.
 
 
 
 

Le pardon de Saint-Cornély

Date

Le deuxième dimanche de septembre

Selon Zacharie Le Rouzic (1909)

La commune de Carnac possède une église et sept chapelles répandues dans les villages. L'église paroissiale, placée sous l'invocation du pape saint Corneille ou Cornély, choisi par les habitants de nos campagnes bretonnes comme patron des bestiaux.

Les pèlerins sont toujours nombreux et le pardon du deuxième dimanche de septembre est un des plus importants de la région.

Les pèlerins entrent d'abord dans l'église, s'agenouillent devant les reliques du saint, déposent leurs petites offrandes dans les troncs, tout en embrassant des lèvres les vitres du reliquaire, font le tour de l'église, tête nue et le chapelet à la main, s'agenouillent devant la façade ouest du clocher sur laquelle se trouve la statue du saint avec deux tableaux faits par le sabotier du pays, et qui représentent deux boeufs; puis ils se dirigent vers la fontaine, en font le tour, s'agenouillent de nouveau. Alors des mendiants et des enfants du pays qui les ont suivis depuis l'église, tenant à la main un vase rempli d'eau, se disputent pour savoir lequel leur remettra son récipient; souvent ces disputes dégénèrent en batailles.

Les pèlerins prennent alors un de ces vases, y plongent leur main droite, si signent, se lavent la figure et les mains en levant les bras au ciel pour que l'eau descende sur leur corps; ils continuent leurs prières et rentrent de nouveau dans l'église. Ils se rendent ensuite au siège de la fabrique, petite maison située près de l'église et sur la façade de laquelle se trouve une statuette de saint Cornély, pour faire leurs grandes offrandes, qui sont accueillies au nom du saint par les marguilliers.

Les grandes offrandes consistent en argent, en grains ou bestiaux. Pour ces derniers une cérémonie spéciale a lieu le matin du 13 septembre, jour de la foire de Saint-Cornély. Les bêtes offertes sont amenées au siège de la fabrique. Avant la grand'messe, elles sont conduites près de l'entrée principale de l'église; le clergé sort en grande pompe, avec la croix et la bannière, bénit le troupeau composé surtout de vaches, de génisses et de veaux, quelquefois de chevaux et de porcs. Aussitôt la bénédiction donnée, ce bétail est conduit, précédé de la bannière et des membres du conseil de fabrique, au champ de foire où il est vendu à l'encan par les marguilliers.

Le jour du pardon et de la foire, de grandes processions ont lieu dans l'après-midi. Les reliques sortent et sont portées par des abbés, les bannières et les croix par les pèlerins de tous les pays, et fort est celui qui, avec une de ces bannières, fait le tour du bourg. Il n'y a pas encore fort longtemps qu'un jeune homme de la commune de Plœmel tomba mort en rentrant à l'église, après avoir fait des efforts surhumains pour porter seul cette bannière.

Le matin du 13 septembre, deux processions ont encore lieu : celle des communes de Plœmel et de Crach. Ces processions partent des routes d'Auray et de la Trinité-sur-Mer, pour faire le tour habituel.

La fabrique vend aux pèlerins des cordes en écharpe, ainsi que des images d'Epinal représentant le saint entouré d'animaux. Ces images sont portées généralement sur le chapeau et sont placardées dans les étables. Parmi ces pèlerins, il y en a qui viennent de très loin, souvent à pied. Ils arrivent la veille, parcourent le bourg, cherchant à se loger, le plus souvent dans les greniers. Le gîte trouvé, ils vont voir la mer, le Mont Saint-Michel et les alignements, soldats de saint Cornély, puis se répandent dans les débits où ils chantent fort tard dans la nuit. Le lendemain, après avoir entendu la messe, ils font leur procession et se remettent en route.

Pendant les soirées de septembre, les cultivateurs des alentours amènent leurs bestiaux au pèlerinage de saint Cornély. Ils viennent en bandes, par village, les uns attachés, les autres en liberté, accompagnés des maîtres et des serviteurs. Ils font d'abord le tour de l'église; les conducteurs s'agenouillent devant la façade ouest du clocher et, pendant que les gens prient, les animaux satisfont, presque toujours, des besoins naurels sans guère se soucier du lieu ni du but de leur sortie; puis ils se dirigent vers la fontaine où l'eau de la source est répandue sur toutes les têtes du troupeau; après une courte prière, ils rentrent dans leur village.

Beaucoup de nos gens affirment que si l'on n'amenait pas les bêtes au pèlerinage, elles viendraient seules.


Carnac - Zacharie Le Rouzic - 1909
chap 6 partie 4