SAINT-GILDAS-D'AURAY

Du doyenné de Pont-Belz, et à la présentation de l'abbéde Saint-Gildas de Rhuys, cette paroisse a été démembrée, de celle de Brech. Pour expliquer sa fondation, on a généralement recours à l'établissement de la bourgade qui se groupa auprés et sous la protection du château ducal d'Auray, construit, à une date inconnue, sur les bords mêmes du Loc et les confins du territoire de Brech. D'après quelques auteurs, son origine serait même relativement très moderne et ne saurait remonter au delà du milieu du XVe siècle, parce que la chapelle du Saint-Esprit, érigée, dit-on, au XIIIe siècle, par le duc Jean II, fut la seule église d'Auray jusque vers 1460, époque à laquelle, les germes de la petite ville actuelle ne se composaient encore que de deux agglomérations de maisons, l'une autour de cette chapelle et l'autre près du château. Cette dernière opinion est à repousser, comme reposant sur une base erronée. Bien avant 1460, Auray avait une chapelle autre que celle du Saint-Esprit. Il y avait déjà longtemps que le prieuré de Saint-Gildas-d'Auray, membre de l'abbaye de Rhuys, avait été fondé, puisque, en mai 1189, la duchesse Constance, fille de Conan IV et veuve de Geoffroy II, donna à cette abbaye, qu'elle visitait, une parcelle d'un pré à Auray et lui confirma toutes ses propriétés et tous ses droits sous la châtellenie de ce lieu (1), et que, d'autre part, il se dressa, à Auray, le 20 juin 1208, dans le cloître de Saint-Gildas, un acte concernant les droits de l'abbaye de Quimperlé dans la presqu'île de Quiberon (2). Tout cela étant, ne serait-il pas convenable d'attribuer la fondation de cette paroisse au prieuré ? Les moines n'auraient-ils pas été les premiers et, pendant longtemps, les seuls prêtres de cette localité ? A l'appui de cette manière de voir, il faut bien considérer que le prieur a toujours été recteur primitif et gros décimateur de la paroisse, que la liste des titulaires nous montre celle-ci toujours administrée par des vicaires perpétuels, et enfin que l'église paroissiale était simultanément chapelle prieurale, c'est-à-dire que les prieurs y prenaient possession et desservaient ou faisaient desservir leur bénéfice.

L'ancienne église, placée sous le vocable du saint abbé Gildas qui était en même temps patron local, tombait de vétusté, au commencement du XVIIe siècle. Des chapelles qu'elle renfermait, nous ne connaissons que celles de Sainte-Magdeleine, de Saint-Yves et de Guergelin, celle-ci accolée au chœur, du côté de l'évangile; mais nous savons que, dès 1611, les deux dernières se trouvaient dans un déplorable état. On ne songeait cependant point encore à une reconstruction totale de l'édifice, puisque, vers 1613, on remplaça, dans la tour, une grande cloche qu'on disait alors « fort usée et l'une des plus belles et des meilleures de la province, » et que nous verrons remonter, en 1617, dans le clocher de la chapelle de Notre-Dame-du-Cimetière. Mais il fallut bientôt changer d'avis. Dès 1619, nous trouvons, en effet, le service curial transféré à cette chapelle de Notre-Dame, située à une trentaine de pas de l'église paroissiale, et où il resta pendant toute la durée des travaux qui traînèrent beaucoup en longueur, comme on va le voir. L'année suivante, on rasa l'ancienne construction. Les pierres pour la nouvelle furent extraites, avec la double autorisation des Chevaliers du Saint-Esprit et marquis d'Assérac, de leur pierrière du Bono, et transportées par mer jusqu'au pont de Saint-Goustan. Le sieur d'Arradon accorda 500 pieds d'arbres à prendre dans ses forêts de Camors. Enfin, le 22 mai 1623, la première pierre, bénite par Jean Le Gentil, official de Vannes, fut solennellement posée par Charles de Lorraine, duc de Guise, que les guerres de cette époque avaient appelé dans notre pays. Il fallut ensuite de longues années pour achever l'œuvre commencée; puisque le nouvel édifice, loin encore d'avoir reçu la dernière main, ne put être livré au culte et consacré que le 22 septembre 1641, par Sébastien de Rosmadec, évêque de Vannes. Les comptes de l'année 1644 montrent des ouvriers travaillant au pavage et au lambris. La tour, mal faite, dut être reprise, donna lieu à un long procès, pour la construction du dôme, avec l'architecte François Cosnier, et ne fut en état de recevoir les cloches qu'en 1663. Quant au mobilier, il vint plus lentement enore. En 1653, il n'y avait ni chaire à prêcher, ni tabernacle sur le maître-autel. L'orgue ne fut installé qu'en 1701, pour être, en 1760, reporté dans la chapelle de Notre-Dame-du-Cimetière, et remplacé par un jeu nouveau et plus complet. Quelques années plus tard, le recteur Julien Le Roch dota son église d'une parcelle de la Vraie-Croix, exposée pour la première fois, en mai 1769. En 1785, on coulut se procurer un maître-autel en marbre, comme celui de Carnac qui, taillé à Marseille sur les plans de Me Philippe, peintre à Vannes, avait coûté 5,000 livres; mais il fallut reculer devant une dépense si considérable.

Outre cette église de Saint-Gildas, la paroisse renfermait plusieurs autres chapelles.

« Tout auprès de l'église Saint-Gildas, mais de l'autre côté de la rue Notre-Dame, s'élevait la chapelle de ce nom, qu'on appelait le plus souvent Notre-Dame-du-Cimetière, à cause de sa situation dans le cimetière de la paroisse, et pour la distinguer de la chapelle Notre-Dame-de-l'Hôpital de la même ville. Construite dans un style d'architecture qui accusait, dit Ogée, le XIIe siècle, avex trois autels à l'est, un grand portail au nord, deux autres entrées au midi et une quatrième à l'ouest, la chapelle Notre-Dame-du-Cimetière était surtout remarquable par ses magnifiques vitraux, bien conservés encore à la fin du XVIIIe siècle, et sur lesquels nous n'avons malheureusement pu recueillir qu'une mention insignifiante de restauration, et par sa tour accolée au sud-ouest et qui avait renfermé l'horloge de la ville. Cette tour, bâtie en pierres de taille et haute de 100 pieds, était surmontée d'une flèche également en pierre et qui ne mesurait elle-même pas moins de 115 pieds; aussi servait-elle d'amer aux navigateurs. Mais la flèche élégante et hardie de Notre-Dame était, précisément par sa hauteur et la destination qui en résultait, un objet de fréquentes dépenses pour la communauté de ville chargée de son entretien, indépendamment des réparations ordinaires de la chapelle. Plusieurs fois, dans le courant des deux derniers siècles, entre autres le 17 mars 1620, le 8 janvier 1725, en décembre 1752 et le 10 février 1767, le tonnerre tomba sur la tour et y causa des dégats considérables, ainsi qu'à l'horloge qu'elle renfermait. Ils furent tels, en 1752, qu'on craignit une chute complète de la flèche, et qu'on cessa pendant quelque temps de dire la messe dans la chapelle; on put cependant prévenir cet accident par une prompte restauration, et l'on profita de cette circonstance pour remettre aussi à neuf le maître-autel. »

« De même qu'à l'église paroissiale, il y avait deux cloches dans la tour de Notre-Dame. Bien qu'il n'y ait eu, à l'usage de l'église et de cette chapelle, qu'une même communauté de prêtres, qu'un sacriste, qu'un organiste, etc., leurs biens et leurs revenus restèrent cependant toujours distincts, sous l'administration de la communauté de ville à qui le procureur de Notre-Dame rendait ses comptes tous les deux ans, en même temps que le fabrique de Saint-Gildas. »

« Desservie, à l'origine, par un chapelain spécial, cette chapelle avait eu probablement pour fondateur un des anciens seigneurs de Kaër, car c'est à ce titre qu'elle relevait plus tard de la maison de Robien, comme aussi l'église paroissiale, pour toutes les terres qu'elle possédait sous les juridictions de Kaër, Pluvigner, Kerambourg, etc. Les biens de Notre-Dame, y compris ceux de la confrérie du Saint-Rosaire desservie dans cette chapelle, étaient répandus sur une quinzaine de paroisses; outre les rentes qu'elle en retitait, elle avait encore, depuis un temps immémorial, la propriété d'un étal sous les halles d'Auray; enfin elle prélevait un droit sur les « archers du joyau ou papeguay, » institution dont Auray avait obtenu le privilège, ainsi qu'un grand nombre de villes. Le 1er mai de chaque année, le papegault était relevé par le roi de l'année précédente, qui fournissait un nouvel oiseau de bois et le faisait hisser au haut d'un mât donné par le procureur de Notre-Dame. Avant de tirer à l'oiseau, chaque archer devait verser à ce procureur deux sous au bénéfice de la chapelle (3). »

La chapelle de Notre-Dame de l'Hôpital ou de l'Hôtel-Dieu, qui existe encore dans la rue de l'Hôpital et que nous avons déjà mentionnée, fut bénite, le 12 avril 1627, ainsi que le cimetière de l'établissement, par Sébastien de Rosmadec, évêque de Vannes. Elle était ordinairement desservie par le Régent ou maître d'école d'Auray. On sait que, sur la fin du XVIIe siècle, cet Hôtel-Dieu possédait deux succursales, l'une sur la paroisse de Saint-Goustan et sur le chemin de la chapelle de Saint-René à l'église de Saint-Sauveur et qui paraît avoir été supprimée vers le milieu du siècle dernier, l'autre, avec sa chapelle, dans un faubourg de la ville, derrière le Saint-Esprit, mais cependant sur le territoire de la paroisse de Brech, qui a eu une longue existence et porté parfois le nom de Petit-Hôpital.

Les autres chapelles, maintenant détruites, étaient celles de la Magdeleine, près du Loc, abandonnée au commencement du XVIIe siècle, alors que les premiers capucins d'Auray eurent l'intention d'établir leurs cellules et de vivre en ermites dans son voisinage, et qui cependant existait encore aux premières années du siècle suivant; et celle de Saint-Michel qui se voyait aussi pendant le XVIIe siècle du côté de la rue Saint-Yves et du Coh-liorh. Il y avait de plus la chapelle de la Congrégation des hommes, établie par le vicaire général Louis Eudo, le 21 octobre 1679, sous le vocable de l'Immaculée-Conception; cette chapelle, construite à une époque inconnue de nous, existe encore dans la rue du Lait.

Mais ce n'est point encore tout : il reste à mentionner les chapelles des établissements monastiques.

Au premier rang de ces dernières, il faut placer la belle chapelle du Saint-Esprit, qui, depuis longtemps, sert de caserne. Combien n'est-il pas regrettable de voir un si splendide édifice abandonné à une pareille destination ? On dit qu'à l'origine, c'était un simple oratoire, érigé, au XIIIe siècle, par le duc Jean II, « en un lieu plaisant pour prier Dieu, » et que duc y fonda une chapellenie, dont le service se composait, chaque jour, d'une messe basse, d'une grand'messe avec quatre prêtres à l'autel, et des vêpres. C'était donc une espèce de collégiale. Aussi lui trouve-t-on, en 1434, le nom de collège du Saint-Esprit. Mais ces données sont loin d'être historiquement certaines.

Nous trouvons ensuite la chapelle du couvent des Capucins, maintenant salle d'asile dirigée par les Sœurs de la Sagesse. Les frères Mineurs de l'Ordre de S.-François, fixés à Auray, en 1610, au nombre de trois seulement, ne perdirent pas leur temps. Au lieu des cellules qu'ils avaient eu d'abord l'intention d'établir auprès de la chapelle de la Magdeleine, ils ne tardèrent point à construire un monastère, dont la chapelle fut bénite, le 11 avril 1627, par Mgr Sébastien de Rosmadec, évêque de Vannes.

Il y avait enfin celle des Religieuses Cordelières, de l'Ordre de Saint-François, établies à Auray, en 1632, pour l'éducation des filles de la ville et des environs, et dont le couvent (le Père-Éternel actuel) se construisait, en 1640, sur la douve de l'ancien château et non loin des Capucins.

Quoique titulaire d'une paroisse assez populeuse, le vicaire perpétuel de Saint-Gildas-d'Auray n'était point, il s'en fallait de beaucoup, un riche bénéficier. Il n'avait ni presbytère ni dîmes, mais une indemnité de logement fournie par la communauté de ville et la portion congrue ou pension qu'il recevait du prieur. A cela venaient cependant s'ajouter son casuel, qui le relevait un peu, et sa part aux offrandes des confréries des Trépassés et de Saint-Roch, et les revenus bien modiques de quelques bénéfices secondaires, quand il avait la bonne fortune de s'en trouver pourvu.

Avec le temps, ces petits bénéfices s'étaient beaucoup multipliés ici. Mais, pour ne point donner à cette notice des proportions démesurées, je dois me contenter d'en faire une simple énumération. Outre le prieuré de Saint-Gildas et la Commanderie du Saint-Esprit, un pouillé de 1516 mentionne le prieuré (sic) de l'Hôpital de Notre-Dame, qui plus tard ne porte plus que le titre plus modeste de chapellenie, et la chapellenie de Saint-Julien, desservie dans l'église paroissiale. Une déclaration, faite en 1619 par le vicaire perpétuel, nous révèle l'existence alors des chapellenies de la Magdeleine dans l'église de Saint-Gildas et valant 4 livres en argent, une perrée de froment et 5 perrées de seigle; de la Magdeleine encore desservie dans la chapelle de cette sainte sur le Loc et d'un revenu annuel de quatre perrées de froment et 60 sous; de Saint-Laurent dans la chapelle de Notre-Dame-du-Cimetière et rapportant de 7 à 8 écus; enfin de Notre-Dame valant 15 ou 16 écus et dont le service se faisait au Saint-Esprit. Nous avons rencontré, en outre, celles de Saint-Jacques, de Saint-Guenhaël, de Saint-Marc, de Saint-Vincent, de Saint-Christophe, de Sainte-Suzanne, et quelques autres portant les noms de leurs fondateurs, les unes desservies dans l'église paroissiale, les autres dans les différentes chapelles, surtout dans celle de Notre-Dame-du-Cimetière.

Lorsque le recteur de Mendon visitait canoniquement cette paroisse, comme doyen de Pont-Belz, il portait l'étole, tandis que le vicaire perpétuel n'avait que la chape et le surplis. Reçu, croix levée, il était conduit processionnellement et au son des cloches à l'église, où le vicaire perpétuel lui présentait la croix, l'eau bénite et l'encens. Après la visite, le fabrique de l'église payait au doyen 10 sous, le procureur de la chapelle de Notre-Dame 5 sous, et le prieur ou son représentant 3 livres et 4 sous.

(1) « Noverint universi quod ego Constantia, comitis Conani filia, ducissa Britannie et comitissa Richemoutis, veniens ad abbatiam Sancti Gildasii Ruiensis, causa oraionis, audiens ibidem, et videns servitium Dei devote et honorifice celebrari, volui et petii ab abbate et conventu ejusdem loci, ut me in commune beneficium abbatiæ suæ receperent...., quod cum dicti abbas, et conventus audissent, gaudentes de hoc, me benigne et humiliter receperunt. Quo facto, dedi eis, pro salute animæ meæ, et Conani patris mei, et Godofredi comitis mariti mei, et Mathildæ (sic) filiæ meæ..... illam partem prati mei de Elrayo quod est extra fossam quam Rivallonus filius Bilis tenuit, in puram eleemosynam ab omni servitute et exactione immunem in perpetuum possidendam. Confirmo etiam eisdem et concedo medietatem omnium costumarum, et furnagiorum, et theloneorum, terras, decimas, teneuras, possessiones et omnia alia jura sua quæ habent et possident in portu et in castello meo de Elrayo et castellania, et in comitatu meo ubicumque sint... Actum in predicta abbatia, anno Domini millesimo centesimo octuagesimo nono, mense mayo.. » (Archives départementales du Morbihan, fonds de Saint-Gildas de Rhuys).

(2) Dom Placide Le Duc, Histoire de l'abbaye de Sainte-Croix de Quimperlé, page 242.

(3) M. Rosenzweig; Archives communales, Auray - Archives hospitalières, Hôtel-Dieu d'Auray; notices publiées dans l'Annuaire du Morbihan, pour 1868 et 1872. Nous avons beaucoup puisé à ces deux notices, où il resterait encore beaucoup à prendre sur Auray.

Suit une liste des vicaires perpétuels de la paroisse, de 1570 à 1805

 

Chom e hremb. Né déhemb ket mui.
 
 
 
 

Les paroisses du doyenné de Pont-Belz
par l'abbé Luco

Belz
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Carnac
Crac'h (PDF)
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Kervignac (PDF)
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Locoal (PDF)
Mendon et le Pou-Belz
Merlevenez (PDF)
Nostang (PDF)
Plœmel
Plouharnel
Plouhinec (PDF)
Quiberon
Riantec (PDF)
St Gildas d'Auray
St Gilles Hennebont (PDF)

 

Les paroisses vannetaises

Histoire du personnel ecclésiastique du diocèse de Vannes et de ses paroisses, publiée par l'abbé Luco, dans le Bulletin de la Société polymathique du Morbihan, de 1874 à 1883.

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